Coucou la mioche,

J'espère que tu te portes au mieux.

Cela fait presque deux ans que nous avons cessé de nous donner des nouvelles. Deux ans que chacun trace sa route, et que je fais de même pensant avoir tourné la page. Pourtant, depuis tout ce temps, tu habites encore mes pensées les plus sincères lorsque tout va mal.

Sans doute traverses-tu, comme moi, de nouvelles épreuves. Mes études se terminent dans un mois seulement, et je suis heureux de te dire que j'ai commencé une alternance cet été.

Je travaille dans un restaurant depuis près de six mois, et il est assez particulier. C'est un fast-food où la majorité des employés sont des étrangers venus bâtir une vie ici, éprouvés durement, tant physiquement que mentalement. Les conditions de travail sont bien loin d'être idéales, mais j'ai trouvé un arrangement qui me permet de payer mes études et d'avoir mon diplôme.

Depuis ces six mois, je travaille du matin au soir, et parfois de nuit, sans pause ni jour de repos. Des fois, comme cette semaine, je vais en même temps à l'école et au travail, je commence à 8h pour finir à 2h du matin. Le dernier moment que j'ai passé avec ma famille remonte à juillet.

En plus de ces horaires déjà difficiles, on me demande du travail supplémentaire non payé pour le restaurant, car on a accepté de me signer l'alternance sous quelques conditions.

Pour finir mon année, je dois à la fois valider un projet de master, mon mémoire et mon rapport d'activité couvrant ces deux années. Le temps me manque, j'accumule le retard et le poids de cette pression devient écrasant.

Je suis au-delà d'épuisé.

Je ne fais plus que travailler.

Je n'ai pas le moindre temps libre ni repos.

J'ai pire que des cernes, car je ne dors pas plus de quatre heures par nuit. J'ai mis de côté le graphisme et tous les projets qui me passionnaient tant auparavant. Je suis mort intérieurement, et seul mon corps se donne la force de continuer.

Mais, chaque jour qui passe, je me remémore tes mots. Tu n'en as certainement plus le souvenir aujourd'hui, mais ce sont bien les tiens.

"Fais de ton mieux chaque jour qu'Allah t'offre, et tu verras ensuite pour l'avenir."

Je ne t'écris ni pour me plaindre, ni pour t'inquiéter. Je te suis profondément reconnaissant, pour tout ce que tu as apporté de bon dans ma vie, mais aussi malgré toi pour ce que tu y as laissé de plus difficile.

Tu as une place inestimable dans ma vie, et bien que je sache que nos routes ne se croiseront plus, tu y as laissé une trace.

Une fois que tout sera fini, j'aurai obtenu mon diplôme et je serai libéré de mon travail, j'irai vivre loin de Paris dans les montagnes.

Les Vosges me plaisent beaucoup. C'est un endroit magnifique et apaisant. Je m'y suis rendu une fois au lycée lors d'un voyage scolaire, et je n'ai jamais oublié ce lieu.

J'y vivrai pour un mois, ou deux, le temps qu'il me faudra pour me changer les idées et savoir ce que je ferai à mon retour. Je ne sais pas encore si j'y arriverai, mais je compte bien tout donner pour accomplir mon rêve : créer ma propre boîte de production vidéo.

J'y vivrai a l'écart des gens, dans le van de mon père que j'aurai aménagé. Je dormirai dedans, et passerai beaucoup de temps à l'extérieur.

C'est un mode de vie difficile, mais je souhaite retourner au minimum pour me concentrer sur ce qui est important. Ça sonne comme une envie de gamin immature, mais je sais que c'est ce dont j'ai réellement besoin. Et puis, pour tout te dire, je n'exclus pas cette façon de vivre pour le futur.

J'aimerais tant avoir de tes nouvelles aussi, mais pour l'instant je me contenterai de te souhaiter le meilleur et la plus grande réussite dans tout ce que tu entreprendras à l'avenir, que ce soit tes projets, tes voyages, et ta future famille.

Tu mérites d'être heureuse, et si tu oses ne pas l'être, je m'occuperai de ton cas.

Qu'Allah te compte parmi ses bien-aimés, et qu'il nous garde sur le droit chemin. أمين.